Le cirque !
Un pas de plus et s’offre aux nouveaux venus un panorama grandiose :
Le dos appuyé au versant Nord qui domine un Saint-Jean de Maurienne avalé par le vide, un immense cirque se déploie sous le regard ébahi du visiteur.
A l’Est, c'est-à-dire à sa gauche, une haute falaise à laquelle s’agrippent quelques conifères se dresse jusqu’au sommet de Casse-Massion et se prolonge jusqu’à la pointe d’Emy, fière de ses 2.797 mètres. Se cache derrière elle, une muraille hérissée de pitons qui court plein Sud révéler les pièces maîtresses d‘un somptueux diadème : le fameux triptyque des aiguilles d’Arves.
Culminant à 3.500 mètres et trois cailloux, se détache sur ciel azuréen, quoique souvent coiffée en diable d’un écheveau de cheveux nuageux, cette gigantesque statuaire fascine ! De quoi permettre à une Lucy locale d’y avoir adoré l’essence même de la divinité.
Puis le cirque se referme sur un premier rempart de moyennes montagnes posé à l’Ouest (à droite du visiteur) et qui abrite les stations du Corbier et de la Toussuire, sur fond de chaîne de Belledonne. L’immense cuvette ainsi bordée de hauts sommets recèle une activité pastorale intense qui a commencé au moins au néolithique, comme en témoigne le musée archéologique de Lyon.
Au loin, à quatre ou cinq kilomètres en face du visiteur, s’est installée sur une élévation l’église d’Albiez Montrond, dont la fonction en été serait à présent de bénir les coureurs cyclistes dévalant le col du Mollard, et en hiver, de saluer les exploits des nombreux skieurs.
Ainsi, cette vaste cuvette sert de terrain d’entraînement à beaucoup de sportifs, les cyclistes et cyclotouristes surtout, dès l’hiver disparu et les cols ouverts, celui de la Croix de Fer, du Glandon, de la Madeleine et autre Galibier.
Ce tour d’horizon parcouru nous ramène à ce qui est à présent un minuscule village dont charmes et vertus ont jadis conquis une colonie romaine comme en témoigne la première identification d'Albiez rencontrée dés 739 sous la forme de Colonica in Albiadis, puis de Albieys juvenculum (1040) et Albiaco Juveni (1270) dans le Cartulaire de Maurienne voire en Arbiaco Juveni. Ces noms sont bien la preuve d’une promesse de jouvence.
Le danger serait que l’infinie variété des richesses offertes en ce lieu incite le touriste subjugué d’en faire trop de publicité et d’ameuter la foule.
Que ces amateurs de paysages sublimes se pressent fin juillet lors de la fête patronale de la Saint Germain, et participent aux festivités, soit ! Qu’ils emplissent l’église baroque à l’acoustique remarquable lors des concerts proposés par des formations souvent prestigieuses, quel dommage de ne pas en profiter ! Mais y recevoir un nouveau Woodstock risque de poser des problèmes qui ne viendraient pas du manque d’hospitalité des Albienches, réputés pour la gentillesse de leur accueil, mais de la configuration du terrain.
La commune
Si les 12.45 KM 2 de la commune représentent une belle surface, et permet en moyenne à 12 habitants de cohabiter sur 1 km2, ceux-ci commencent à l’altitude de 714 m pour s’élever à celle de 2.428 m, qui est celle de Casse-Massion. Seul le plancher des maisons offre en principe un plan horizontal, c’est dire !
Quant à la limite ouest la plus basse, elle est matérialisée par une falaise de 300m de hauteur. Si l’on tient absolument à poser le pied sur la commune adjacente, mieux vaut être équipé d’un parapente.
Ainsi, à part les jardinets qui, exempts d’herbicides dévastateurs, offrent fruits et légumes savoureux et garantis « bio », le reste du sol est constitué de barres rocheuses en altitude, de belles forêts de sapins et de mélèzes giboyeuses, sangliers, cerfs et biches, chamois, voire loups et lynx, les alpages couvertes de plantes alpestres, lors de l'estive offrent aux troupeaux de vaches, brebis et chèvres de quoi nous alimenter en fromages variés, dont le Beaufort, et autre gigot d'agneaux, proposés à la vente.
Récemment, quelques entreprises sont nées, élaborant miels aux parfums délicats variant selon les saisons, herbes pour tisane, huiles essentielles, et bien d’autres délicatesses …
L’émerveillement passé laisse souvent place à la surprise de n’entendre aucun bruit et ne rencontrer âme qui vive. Or le village a compté en 1822 jusqu’à 538 habitants pour descendre en 1999 à 57 habitants. Il comptait en 2016 146 personnes.
Un autre détail qui surprend est la grande pauvreté architecturale. Le mur des maisons est fait de pierres brutes posées sur un enduit de terre et de chaux fabriqué sur place. Aucune pierre n’est taillée. Le linteau des ouvertures à peine dégrossi d’un tronc de mélèze supporte le poids d’un mètre d’épaisseur de mur.
En fait la rusticité de ces maisons nous raconte la grande dureté à peine imaginable des conditions de vie des générations passées. Le très fort attachement au pays de leurs descendants ne peut s’expliquer que par la fascination née de ce paysage époustouflant, mais peut-être aussi de la solidarité imposée par la lutte séculaire pour la vie.
Texte de Mr Jean Marie CHARRON